INTERLUDE

Lillith regardait son frère. Strahan était agenouillé au bord du Portail, une main tendue comme s'il avait l'intention d'invoquer Asar-Suti en personne.

Une flamme blanche monta de l'ouverture et s'enroula autour de ses doigts. Elle disparut dans les plis de ses vêtements, pour reparaître un instant plus tard près de son col, se lovant autour de sa mâchoire comme un serpent de feu.

Strahan fit son sourire magnifique et mortel. Il ne se souciait pas de la présence de Lillith. Il était plongé dans la transe de son étrange union avec le dieu des ténèbres.

La flamme monta jusqu'à sa bouche et le transfigura. Peut-être était-ce le visage du dieu lui-même, pensa Lillith.

— Strahan..., commença-t-elle.

Elle s'interrompit. Ce n'était pas à elle de critiquer son frère, l'élu d'Asar-Suti. Elle était là pour le servir, et faire ce qui était nécessaire.

Strahan éclata de rire. La flamme vivante ne consumait ni sa chair ni ses vêtements.

Puis le réseau se défit. Les flammèches retombèrent. En quelques instants, Strahan fut redevenu lui-même.

— C'est fait, dit-il. Dar a gagné son pari.

— Et tu es content d'avoir perdu, dit Lillith en soupirant. Et la femme ? Paieras-tu le prix qu'il a demandé ?

Strahan sourit.

— Dar est orgueilleux et bien trop ambitieux. Sa chute en sera plus dure encore.

— Comment t'y prendras-tu pour briser le deuxième fils de Niall ?

— Je crois que c'est déjà fait, ou presque. Les Cheysulis exigent que les guerriers soient des hommes intacts, afin d'assurer la viabilité de la race. Peut-être ont-ils raison : ils éliminent les faibles pour protéger le reste de la meute. Tout comme moi, les faibles ne les intéressent pas.

— Et comment le « guériras »-tu ?

— En lui offrant une raison de vivre. Me servir peut refaire de lui un homme intact, même si ce n'est pas de la façon qu'il souhaiterait. Mais cela n'aura pas d'importance : il sera mon prisonnier bien avant cela.

Elle lissa les plis de sa robe.

— Il en reste un. Le plus jeune. Je pense qu'il est temps que je me rende à Atvia.

Strahan la regarda sans la voir.

— Bon voyage, dit-il.

Puis il s'agenouilla de nouveau au bord du Portail.